A. Ayew : le leader de demain ?

Froid de réalisme. Voilà ce qui pourrait résumer la prestation d'André Ayew contre Ajaccio vendredi soir. Le Ghanéen, revenu dans son couloir gauche pour l'occasion, a fait parler son opportunisme devant le but et son jeu de tête toujours si efficace. S'il a parfois déçu dans l'entre-jeu depuis son retour de blessure, à gauche, il a rayonné, alors que l'équipe, dans l'ensemble, a encore une fois grandement déçu. Moins sollicitée sur un côté, sa condition physique, pas encore au top, l'a moins handicapé que dans un rôle central.

On peut s'interroger d'ailleurs sur les refus successifs de Deschamps et Baup sur un repositionnement en tant que relayeur, qu'il appelait de ses voeux. Les coachs d'une époque désormais révolue l'avaient jugé trop inconsistant à ce poste. Deschamps préférant même le titulariser en pointe, un soir d'avril 2011 face à Nice, où il avait inscrit un triplé, déjà. Avec Anigo, il tente de s'affirmer. "André fait partie des joueurs sous-cotés, avoue Pierre Ménès, peut-être que les clubs étrangers ne savent pas trop si c'est un joueur d'axe, un joueur de côté. Lui, il préfère jouer dans l'axe. Moi, je pense que le mettre à gauche dans un losange doit être quelque chose d'extrêmement intéressant. Après, ça dépend aussi si tu as le pendant à droite, et en sentinelle, ce que de toute évidence l'OM n'a pas cette année. Je pense que lorsqu'il joue contre un adversaire plus faible, c'est intéressant de le mettre sur un côté, de façon plus offensive. On l'a vu, il marque des buts, il a surtout un jeu de tête assez extraordinaire de précision et il déborde. Et puis quand l'adversaire est plus fort, il y a besoin de lui dans l'axe pour aller au combat et apporter du volume."

Alors, peut-il être le pilier de cette équipe dans les saisons à venir ? Car si l'on devait en retenir qu'un, ce serait peut-être lui, celui formé au club et qui n'a jamais caché son amour du maillot. Ce qui n'est pas le cas de tous les cadres jugés possiblement partants l'été prochain. Pierre Ménès, qui a connu André Ayew dans la poussette de son papa Abédi, acquiesce en ce sens : "D'abord, c'est un mec qui aime Marseille viscéralement. Je ne suis pas certain qu'ils soient si nombreux que ça. C'est à noter. Il a quand même une formation anglo-saxonne, il ne faut pas oublier que le Ghana est un pays anglo-saxon. Je suis sûr qu'il s'adapterait merveilleusement bien à la Premier League. Ce que je ne souhaite pas à Marseille, son départ serait vraiment une lourde perte. C'est pour ça que j'ai été vraiment affligé quand il y a eu la polémique à Marseille, parce qu'il a été pris en photo dans un restaurant avec des joueurs du PSG. S'il y a bien un mec dans cette équipe qui aime le maillot de Marseille, c'est lui."

Ah, qu'il a bien grandi le minot, depuis son titre de champion de Monde U20, sa saison à Arles-Avignon et son quart de finale de Coupe du Monde. Il a mûri aussi, s'est assagi. Mais peut-il réellement s'inscrire dans la durée ici, dans un club qui connait tellement de chamboulement ? C'est le mystère, même pour Ménès qui le connait bien : "À chaque fois que j’ai abordé le sujet, il était toujours partagé entre partir pour un championnat différent, un club d'une gamme supérieure, et puis cet attachement à Marseille qui est viscéral. D'abord parce qu'il y a été formé, mais aussi parce qu'il y a toute l'histoire de son père. Si André et Jordan sont aussi attachés à l'OM, c'est parce qu'il y a eu Abédi avant. Il y aura deux choses qui joueront à l'intersaison. C'est d'abord la volonté de l'OM de bâtir autour de lui. C'est quelque chose qui pourrait être très crédible et très intelligent. Si l'OM veut monter en gamme, c'est au milieu de terrain qu'il faut faire de gros efforts. Un joueur comme Stambouli ferait un bien fou à l'OM. Évidemment, le fait de conserver André dans une position tantôt défensive, tantôt côté gauche, selon le degré d'intensité ou le niveau de l'adversaire, ce serait quelque chose de bien. Maintenant, c'est sûr que s'il a un club anglais d'un niveau supérieur, ce sera difficile de le retenir."

L'oeil du consultant : Fabrice Céleschi André Ayew a réalisé une performance remarquable en inscrivant un triplé dans un contexte difficile : ce n'est pas anodin que ce soit lui. Il a fait ressortir ses qualités de leader ?   Fabrice Céleschi : "Oui, dans l'adversité, c'est là où il est le meilleur. Il y a des matchs, quand l'équipe sombrait, c'était le seul à sortir la tête de l'eau. Même à l'époque de Djibril Cissé, lorsque le public était remonté contre l'équipe, c'était déjà le seul qui sortait du lot. Il a ce caractère fort et cette âme de leader aujourd'hui. Il a beaucoup manqué quand il était blessé. Depuis son retour, il n'était pas transcendant, mais c'est parce que physiquement, il n'était pas encore au point. Là, il revient au top sur le plan physique, et c'est important, car son jeu est beaucoup basé sur ça. On l'a vu sur le match de vendredi, il a été costaud, car outre ses trois buts, il a aussi beaucoup défendu et a gagné tous ses duels."  Est-ce que l'OM doit encore plus miser sur lui la saison prochaine ? Voire même en faire le nouveau capitaine de l'équipe ?  F.C. : "Parmi les cadres, certains vont partir. Mais s'il y en a bien un à conserver, c'est lui. Plus que Mandanda, Nkoulou et surtout Valbuena. Il est le symbole du club. On a besoin de s'identifier à des joueurs comme ça, du cru. Son coeur, il est à l'OM. Il faut bâtir sur lui. Si j'étais l'entraîneur qui va arriver à l'OM, c'est sûr et certain, j'en ferai mon leader."  Reste le débat sur son poste, on a vu contre Ajaccio qu'il a été décisif aussi parce qu'il était de nouveau aligné sur le côté gauche de l'attaque. F.C. : "Je ne suis pas d'accord, car je reste convaincu que son poste, c'est milieu relayeur, dans le 4-4-2 losange qu'on avait à un moment. C'est à ce poste là qu'il peut être le plus utile, pour lui, et pour l'OM. C'est vrai que vendredi, il a mis trois buts. Mais il n'y a que le premier qui est dû à son rôle plus haut sur le terrain. Les deux autres, c'est grâce à sa présence dans la surface sur des centres, et ça, il peut le faire aussi quand il est en milieu relayeur. Sa grosse prestation n'est pas liée à son poste, c'est juste parce qu'il est revenu à 100% physiquement de ses moyens. Je reste donc convaincu que si tu le fixes à ce poste de milieu relayeur, il apportera beaucoup plus que sur son côté gauche, où il est un peu bridé."