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"Si Bielsa part, les entraîneurs français auront gagné"
InterviewPublié le 20/05 à 07:00

"Si Bielsa part, les entraîneurs français auront gagné"

Faouzi Djebou-Benabid est recruteur/observateur pour le club de Ligue 2 de Niort. Il a coécrit un livre qui sort ce jeudi, "Pourquoi le foot français va dans le mur". Un brûlot qui n'épargne personne dans le football français, de la Fédération à l'entourage des joueurs en passant par les présidents de club qui copinent un peu trop avec les agents. Un portrait sans concession du football français pour cet habitué des terrains de foot de la région qui a accepté de nous parler de l'OM. 

Dans "Pourquoi le foot français va dans le mur", vous parlez à de nombreuses reprises de Bielsa, cet entraîneur étranger qui ne se plie pas aux codes du football français. Est-ce que vous pensez que c'est aussi pour ça que les supporters marseillais le soutiennent, car il n'est pas dans un système de copinage ?

Faouzi Djebou-Benabid : "Exactement. Il fait partie d'une longue lignée d'entraîneurs étrangers qui arrivent en France et qui découvrent notre porosité et nos paradoxes. On est dans un Pays où on a des conditions de travail exceptionnelles, des milliers de jeunes qui ont des qualités mais on ne sait pas les mettre en valeur. Ils ne progressent que lorsqu'un entraîneur étranger arrive ou lorsqu'ils partent à l'étranger. C'est bien que nous avons un problème. Quand Bielsa arrive, le jeu change et les joueurs progressent. Moi cette année j'ai vu Omrani. Ca fait des années qu'il m'exaspère, je l'ai vu cette année, j'ai mis dix minutes à m'apercevoir que c'était lui. Il fait des appels, il court, il est affûté..."

Dans votre livre, vous prenez l'exemple de Benjamin Mendy et Brice Dja Djédjé, dans le cliché du joueur-africain de Ligue 1 pour beaucoup avant que Bielsa n'arrive mais qui depuis ont développé de vraies qualités de footballeur.

F.DB : "Il en a fait des joueurs de foot. Dans le système de Bielsa, où ils peuvent démontrer de vrais qualités de contre-attaquant, ils sont intéressants. Sinon, on peut remettre des joueurs qui peuvent aussi jouer défenseur central sur les côtés, comme Fanni. Il y a aussi le cas de Morel. Bielsa comme Ancelotti avant lui savent répondre quand il y a trop d'interventionnisme de la part de leur président. Guardiola, Mourinho, ils auraient fait exactement la même conférence de presse que Bielsa après un mensonge, deux mensonges..."

La déclaration de Labrune à l'automne, qui disait qu'il ignorait si les agents avec qui ils discutaient des transferts avaient leur licence, a dû vous faire sourire. 

F.DB : "Ce que je ne comprends pas, c'est qu'il y a une cellule de recrutement à l'OM. Et un match sur deux, je les croise, les mecs bossent. Et quand ils ont validé Doria, on l'a tous vu deux tournois d'affilée à Toulon. On s'est dit que ça pouvait être un joueur que les supporters de l'OM aiment bien même s'il ne pouvait pas jouer de suite. Mais je ne savais pas que Labrune allait le prendre sans en parler à Bielsa. Il n'y avait qu'un entraîneur français pour le faire jouer derrière sans broncher".

Pourquoi une telle différence entre un entraîneur français et un entraîneur étranger ? 

F.DB : "Le Français a peur pour son poste. Alors que regardez Jardim. Même quand il était 14e, il n'a pas paniqué, il avait confiance en son travail, confiance en lui. Diego Rolan il arrive le 2 janvier à Bordeaux, Gillot le fait jouer le 4. On ne veut surtout pas froisser sa direction".

Comment interpréter alors la volonté de Thomas Fernandez, l'entraîneur de la réserve de l'OM, de se mettre en retrait après une montée en CFA ?

F.DB : "Dans son cas, il y a aussi Bielsa qui a imposé des choses. Notamment Reyes que je vois souvent aux matchs de l'OM. Et Thomas Fernandez n'a pas voulu rentrer là-dedans. Quand Bielsa dit à ses adjoints "maintenant c'est vous qui allez aux matchs de CFA et qui faites les changements" ça veut bien dire quelque chose. Et ils s'occupent des 19ans, des 17ans... Reyes sait où sont les bons joueurs où sont les arnaques. L'OM ayant le 3e ou le 4e choix, dès qu'il y a un bon joueur, on le voit de suite. Après, à l'OM, il y a des joueurs publicitaires, des jeunes qu'on nous présente comme bons mais quand on les voit jouer, on sait très bien que ce n'est pas vrai".

On parle beaucoup de la mentalité des jeunes footballeurs, notamment à Marseille, où il manque des leaders. Mais au vu de la formation française, est-ce qu'il sera encore possible d'avoir des Didier Deschamps, Toulalan, Mavuba, Lorik Cana...?

F.DB : "Non, c'est fini. On est dans le prêt-à-penser, le prêt-à-jouer de suite, sans bavures. On veut des garçons gentils, des garçons qui passent bien. Mais prenons des exemples. Sparagna, pourquoi il ne joue pas aujourd'hui ? Il n'a aucune personnalité le gamin ! En tant qu'observateurs on est obligé de regarder ça. Aloé, il est bidon, mais il a du caractère, du tempérament, une personnalité. Avec un entraîneur étranger, Aloé joue, pas Sparagna. Piqué il joue à Barcelone, pourtant à la base, il est moins bon que Sparagna".

...

F.DB : "Au départ oui. Mais il a une autre mentalité. Et il a voulu être au contact de grands joueurs. C'est pas comme Guilavogui qui arrive à l'Atletico Madrid et qui veut retourner deux mois plus tard à Saint-Etienne. Les joueurs de Marseille c'est pareil. On en prend un, on va le mettre à Barcelone, il va voir qu'il ne va pas jouer, il va vouloir rentrer. Parce qu'on n'est pas habitué à la concurrence. Les bons jeunes ils ne savent pas ce que c'est puisque quand ils jouent, ils ne prennent la place de personne. Ils remplacent juste un joueur qui vient d'être transféré dans un autre club. Benzema, la première année, à chaque fois qu'il voyait Higuain, il tremblait. C'est ce que Bielsa essaie de faire en créant une émulation, en faisant rentrer Boutobba à 16 ans et demi. Ce n'est pas Elie Baup qui avait 14 joueurs et qui était content".

Si Bielsa ne prolonge pas à l'OM, ce sera quelque part la victoire du système à la française.

F.DB : "Ca sera la victoire de la DTN, ce sera la victoire du lobby des entraîneurs français, la victoire de l'UNFP et de leurs récompenses... Moi je suis déçu qu'on n'ait pas compris Leonardo dans ce Pays. A chaque fois qu'il disait un mot c'était la vérité. Nous qui sommes au coeur du truc on le sait. Les mises au vert, les 500 entraînements par semaine... les entraîneurs français n'ont de professionnel que le nom".