L'OM doit jouer au Vélodrome !

Dimanche dernier, on apprenait dans le JDD que, d'après la Cour des Comptes, le MuCem (musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée), fierté des Marseillais sortie de terre dans le cadre de la Capitale de la Culture 2013, coûterait finalement deux fois plus que prévu. 350 millions au lieu de 160. Autre fierté marseillaise, le Vélodrome flambant neuf, 67 000 places couvertes, prêt pour accueillir l'OM version Bielsa dès le début de la saison à venir... coûtera lui aussi deux fois plus que prévu au départ !

Magie du PPP, qui n'est pas une version BTP du GHB, mais un Partenariat Public-Privé destiné à financer les grands travaux que l'état et les collectivités locales, seuls, ne peuvent pas assumer. Une grande idée dont le seul but est de soulager le contribuable. Merci bien.
Sauf que le 16 août prochain, OM-Montpellier, le premier match à domicile de la saison, est bien parti pour se jouer... à Montpellier. Les suivants, Nice et Rennes, aussi, comme l'aurait demandé le club à l'Agglo Montpelliéraine.

La menace est connue depuis plusieurs jours. Si la Mairie ne revient pas sur sa décision de facturer plus de 381 000 euros par rencontre la location du Vél' à son club résident, l'OM jouera ses matchs à domicile à l'extérieur. Son directeur financier Philippe Perez menace même d'attaquer la décision du conseil municipal devant le tribunal administratif : "Notre club ne versera jamais une telle somme. Payer 8 millions d'euros chaque année, pendant 31 ans, signerait l'arrêt de mort de l'OM" déclarait-il récemment. Un Valbuena par an mine de rien, ce qui semble surréaliste.

A vrai dire, la partie de poker menteur dure depuis un moment. Mise de côté le temps de l'élection municipale pour ne gêner personne, elle se révèle au grand jour, sous les yeux de Marseillais médusés, qui découvrent l'addition.
La municipalité estime qu'il n'y a aucune surprise de sa part, et s'appuie même sur un rapport récent de France Domaine qui conforte son estimation, ainsi que celle de la Cour des Comptes. Il faut dire qu'elle s'est engagée à rembourser plus de 12,5 millions d'euros par ans à Arema sur plus de 30 ans. Et vu l'état des finances, elle compte bien se faire aider par l'OM.

En clair, selon la Mairie, les dirigeants marseillais connaissaient le tarif depuis longtemps, mais s'étaient persuadés de parvenir à un compromis une fois l'élection passée. Scenario balayé d'un revers de main par un "proche" du club dans la Provence : "Vous vous doutez bien que si pendant les élections nous ne sommes pas intervenus sur le dossier de la vente du stade, c'est qu'on avait quelques certitudes sur un loyer modéré... On demande juste que les paroles soient tenues".
Qui dit vrai ? qui pipeaute ? Mystère...

Le député Patrick Menucci, acteur malheureux de la dernière municipale, qui avait lancé le débat sur l'opportunité de ce PPP (il souhaitait vendre le stade à l'OM sous la forme d'un crédit-bail), estime également que les dirigeants marseillais savaient très bien à quoi s'en tenir : "Labrune savait parfaitement, avant les élections, que l'OM serait taxé de huit millions d'euros. Et il m'a toujours dit qu'il ne paierait qu'entre 2,5 ou 3,5 millions. Il pensait qu'il parviendrait à convaincre le maire. Or, Gaudin est bloqué par une situation financière de la Ville dramatique". Mais pour lui, le bras de fer est loin d'être terminé : "Parce que cette délibération du conseil municipal est infondée. On ne peut pas fixer un loyer sans que l'autre partie soit d'accord. Qu'est ce qui oblige l'OM à payer ? Rien !".

Il est vrai qu'avec son nouvel écrin, le club va faire un bond au niveau des recettes. Selon la mairie, environ 35 millions d'euros par an, mais encore faut-il que le stade soit plein, ce qui n'arrivera que deux ou trois fois en cette saison sans coupe d'Europe, selon Menucci : "Gaudin a fait une erreur, de bonne foi peut-être, de croire qu'un stade de 70 000 places était utile à l'OM. Or, quand on regarde un peu ce qui se fait ailleurs, on s'aperçoit qu'un beau stade de 50 000 aurait été suffisant".

Pour un autre observateur éminent du foot-business national, c'est carrément d'un incroyable manque de professionalisme et d'anticipation dont a fait preuve le duo OM-Mairie sur le dossier. Avant même la conception du stade. Trop grand, et surtout, trop de places de loges, de très loin les plus chères à réaliser. En tout 7000 places (5000 places VIP, 57 loges et 8500 m2 de salons). Un total qui pourrait coller à une ville comme Lyon, mais loin de la réalité du tissu économique marseillais. Si le projet "Dortmund" est intéressant sur le plan sportif, il eut été judicieux de se calquer aussi sur leur Signal Iduna Park, conçu pour un vrai public populaire.

Mais aujourd'hui, le stade est là, terminé et, disons le, donne envie d'y aller. Si, dans ce bras de fer médiatique avec la mairie, l'OM a le soutien de ses supporters, furieux de voir leur club ainsi taxé, cet élan ne tiendra pas sur la durée, lorsqu'il s'agira de faire quatre heures de voiture aller-retour, bouchons non compris, pour aller supporter la troupe de Bielsa à La Mosson un soir de semaine, ou un dimanche 21h.
D'ailleurs, les groupes de supporters, en pleine campagne d'abonnement, commencent à l'avoir mauvaise, comme nous l'a expliqué Christian Cataldo, responsable des Dodger's : "Ca nous a arrêté net dans notre campagne ! Depuis trois semaines, les gens ne s'abonnent plus. La mairie doit revoir ses positions. En tant que responsable de club de supporters, il est hors de question que j'aille supporter l'OM à Montpellier."

Enfin, il y a les contraintes du règlement. dans celui de la LFP par exemple, on précise que "Les clubs doivent certifier qu’ils auront la jouissance des stades qu’ils utilisent à toutes les dates prévues et à prévoir au calendrier de l’épreuve". Il y a aussi la peu connue Licence Club. Un système de points mis en service il y a deux ans afin de valoriser les clubs, notamment grace à leurs infrastructures qui déterminent 50% des points. En étant privé de cette licence, l'OM se verrait sucrer quelques millions en droits TV. Mais il y a la règle, et l'esprit. C'est ce qu'on nous a confié à la Ligue concernant ces deux points, confirmant que le problème se poserait en cas de déménagement, mais qu'il serait traité au cas par cas. Pas vraiment de soucis à ce niveau-là, à priori.

Le vrai sujet reste de connaitre la part de bluff des deux acteurs. Le club campe sur ses positions de départ, à savoir "A ce montant là, l'OM ne jouera pas au Vélodrome !". Ce à quoi Jean-Claude Gaudin a répondu hier mardi sur RTL : "On ne fait pas ce genre de chantage ! Pendant les trois ans du chantier, l'OM a payé 50 000 euros par ans, et avant, 1,5 millions... Maintenant, on peut toujours discuter, regarder, planifier, mais il faudra que l'OM paye !". Reste à savoir ce qu'il entend par "on peut toujours discuter"...

En ce qui concerne les supporters de l'OM, de Marseille ou d'ailleurs, l'OM de Bielsa doit jouer dans son antre, et ça, ce n'est pas discutable ! Débrouillez vous !