Kanté, Gueye... le chantier de Bielsa au milieu

Depuis plusieurs jours, on semble se diriger vers une petite révolution au milieu de terrain. Un secteur occupé majoritairement ces deux dernières saisons par la paire Imbula / Romao, complétée à l'occasion par Mario Lemina. Sans jamais réellement décevoir, le cœur du jeu marseillais a rarement dominé son sujet de manière claire. Quand Romao faisait preuve d'autorité dans l'engagement et le marquage, Imbula nous gratifiait de son volume et de sa finesse technique balle au pied. En clair, chacun sa spécificité mais pas de "dépassement de fonction" comme aiment à dire aujourd'hui les techniciens de Ligue 1. Bref, un manque d'homogénéité qui a rarement fait du milieu marseillais un secteur référentiel parmi les grosses équipes du championnat, à l'image de son alter ego parisien Motta - Verratti - Matuidi, ou du trio lillois champion 2011, Balmont - Cabaye - Mavuba. Evidemment, vous aurez noté que ces deux exemples évoluaient dans un schéma à trois éléments, alors que Marcelo Bielsa n'en utilise que deux (voire un seul lorsqu'il change de schéma défensif), demandant à son numéro dix de jouer beaucoup plus haut. Certainement l'une des raisons des difficultés rencontrées par le milieu marseillais la saison passée.

Aujourd'hui, la donne est en train de changer. D'abord parce qu'Imbula n'est plus olympien, mais aussi parce qu'au moins un, voire deux joueurs sont attendus sous peu. Si les affamés de la Premier League nous en laissent l'occasion, Idrissa Gueye (25 ans) et Ngolo Kanté (24 ans) pourraient, par exemple, former le duo devant la défense la saison prochaine. Deux références au poste, avec un Gueye qui enchaîne les bonnes performances avec le LOSC depuis plusieurs années, et un Kanté que l'on a découvert favorablement avec Caen ces derniers mois. Un saut en qualité ? Possible, mais sans réelles garanties selon un spécialiste du poste, l'ancien international olympien Bernard Pardo : "Ce sont deux joueurs prometteurs, dans la lignée de ce que veut Bielsa, avec un effectif jeune qui adhère à sa méthode. Ce ne sont pas de purs défensifs, mais des joueurs polyvalents comme on voit aujourd'hui, avec des capacités de relancer et d'accélérer. Leur jeunesse peut jouer en leur faveur, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi une dose d'expérience pour jouer dans un club comme l'OM, car d'autres s'y sont cassé les dents".

Pas faux, avec les exemples de Romao ou Lemina qui ont rarement brillé la saison dernière aux côtés d'un Imbula qui, lui, a su tirer son épingle du jeu. "Pour moi, jouer aux côtés d'Imbula n'était pas évident, estime Pardo. Il était quand même vachement porté vers l'offensive et le deuxième milieu se retrouvait seul presque à chaque fois. Ok, il récupérait quelques ballons, mais il en perdait aussi beaucoup devant la défense en cherchant systématiquement à dribbler. En revanche, vu comme ça se profile, on va peut-être manquer de création, mais vu ce que demande Bielsa avec son jeu porté sur l'offensive, il faut de jeunes joueurs au top physiquement car on n'a pas de Matuidi, par exemple, que je considère comme une référence mondiale à ce poste, dans la récupération et le jeu vers l'avant".

Autre référence, et surtout sujet à interrogation, le départ de Dimitri Payet. Dépositaire à 100% du jeu marseillais, le Réunionnais laisse un vide et deux élements de l'effectif sont susceptibles de le combler : Florian Thauvin ou Abdelaziz Barrada. "À un moment donné, il va falloir que Thauvin confirme quelque part pour passer un cap, même si il est plus un joueur de côté. Quant à Barrada, s'il est très propre techniquement, il manque quand même de vitesse dans un secteur qui demande beaucoup de mobilité...".

En tout cas, Bielsa devra rapidement trouver ses joueurs et sa formule dans ce secteur. C'est ce qui inquiète Pardo, qui craint ce bouleversement de l'effectif : "Je ne pense pas que l'on puisse refaire un début de saison comme l'an dernier avec tous ces changements. On va changer beaucoup de joueurs à des postes clés et je crains que cela ne prenne pas tout de suite. C'est un peu pile ou face". Cela dit, il n'est pas interdit de changer de stratégie et de terminer en boulet de canon. Monaco peut en témoigner...